« La mise en regard des enjeux de performance et de santé envisagée par Diapason est inédite»

Publié le 26/02/2015

À l'occasion du lancement de Diapason, les pilotes de l’action font le point sur ce dispositif. Interview croisée de Jacques Brouillard et d’Hélène Cadeac-Birman, respectivement chargé de mission Pôle 3 E (Entreprises, Emploi, Économie) et médecin inspecteur Pôle T (Travail) de la Direccte Midi-Pyrénées.

L’action collective Diapason a démarré auprès de huit PMI volontaires, pour les accompagner dans une démarche conjointe d’amélioration de leur performance industrielle et des conditions de travail et de santé des salariés. Une action dans laquelle vous vous êtes tous deux engagés, et que vous financez. Pourquoi ?

Jacques BROUILLARD, Direccte Midi-Pyrénées

Jacques Brouillard : Le regroupement des services au sein de la Direccte est assez récent. Le pôle économique, l’inspection et la médecine du travail ont donc peu d’antériorité de travail en commun. En ce qui me concerne, notre axe de travail principal vise à l’amélioration de la performance des entreprises et nous avons au final peu de retours sur les conditions de travail. Nos collègues inspecteurs et médecins du travail sont davantage alertés sur les problématiques de santé liées aux démarches lean. C’est pourquoi l’expérimentation proposée par le Midact avec l’action Diapason nous a paru intéressante : mettre en regard les approches lean et conditions de travail, et faire intervenir non pas l’un après l’autre, mais ensemble, ergonomes et consultants en organisation industrielle.

Hélène Cadéac-Birman : Depuis de nombreuses années, je travaille sur le sujet des troubles musculo-squelettiques (TMS), ces gestes répétitifs qui conduisent à des problématiques de santé, et qui sont liées à des organisations de travail délétères. Souvent, dans les projets « lean », on améliore les performances d’une entreprise mais on en dégrade les conditions de travail. L’idée de Diapason est venue en partie de ce constat. En associant la médecine du travail au dispositif, nous visons la conjugaison systématique de la performance de l’entreprise et des conditions de travail.

De quelle manière vous impliquez-vous dans ce projet ?

Dr Hélène Cadeac-Birman, médecin inspecteur Pôle T (Travail) de la Direccte Midi-Pyrénées

HCB : En amont, j’ai assisté aux réunions préparatoires pour assurer un conseil d’un point de vue technique, médical. Nous sommes le garant de l’amélioration des conditions de travail, mais surtout de leur évaluation, en lien avec les services de santé. Ce travail va permettre aux médecins du travail d’entreprendre une analyse des indicateurs de santé qui n’a encore jamais eu lieu : évaluation des conditions de travail avant et après le lean.

JB : La valeur ajoutée réside dans le fait de travailler ensemble de manière structurée sur un projet bien déterminé. Nous sommes financeurs, aux côtés de l’Anact (FACT) et de la Carsat. Nous participons aussi au comité de pilotage, animé par les copilotes Midact et la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Midi-Pyrénées, et qui associe également le réseau départemental des CCI. Dans ce cadre, les actions sont évaluées ensemble, de manière classique. Au niveau national, des initiatives en la matière ont été prises mais c’est la première fois que la démarche d’association performance –condition de travail est systématisée sur des cas réels. Diapason est une opération modeste mais inédite et innovante.

Dans le cadre du projet Diapason, vous êtes amenés à collaborer avec d’autres structures. Quelles en sont les plus-values ?

HCB : Cette action est totalement partenariale. Ce sont les mêmes partenaires que l’on retrouve dans le Plan régional de santé au travail – Midact, Carsat- services de santé au travail, chambres consulaires, …- Cette action nous permet de nous rapprocher et de parler d’une même voix aux entreprises. Nous gagnons beaucoup en fluidité. C’est la bonne manière de faire.

JB : Diapason permet à tous les partenaires de conduire un projet commun. La Carsat est un partenaire original dans ce type de projet pour le pôle 3E de la Direccte. Nous espérons tous un retour d’expérience qui marie durablement les deux approches, pour favoriser une démarche partagée performance – conditions de travail.

Quelles sont les prochaines étapes du dispositif ?

JB : Les motivations des entreprises pour entrer dans ce type de démarches collectives sont d’abord liées à la recherche de performance ; convaincre les entreprises n’est pas si facile. Les entreprises qui ont posé leur candidature pour participer à cette opération font preuve d’un état d’esprit ouvert. Déjà expérimentées sur le volet lean comme sur le volet conditions de travail, elles font preuve d’une maturité sur ce sujet, et sont capables de partager y compris entre elles. C’est ce partage qu’il faut assurer dans la suite de l’action

HCB : pour ma part, la prochaine étape, c’est la prise de contact avec les médecins du travail et valider qu’eux-mêmes sont bien en relation avec les entreprises !

Quels enseignements imaginez-vous tirer de cette expérience ?

De gauche à droite : Jacques BROUILLARD, Direccte Midi-Pyrénées, Céline PEIRS, CCI Midi-Pyrénées, et Pascale HUBER, Carsat Midi-Pyrénées - lors des 12e Rencontres du Midact 'Les relations entre Lean, Performance et Santé' le 24/10/2013

HBC : D’abord des indicateurs classiques : absentéisme, turnover, le diagnostic de TMS, les maladies professionnelles, même si nous savons qu’elles sont bien peu déclarées en Midi-Pyrénées. J’espère aussi pouvoir obtenir des indicateurs plus fins, comme l’évaluation du dialogue social dans les entreprises. Par exemple, deux des entreprises qui participent à Diapason ont recours au travail de nuit, ce qui implique une organisation particulière du travail. Une modification de l’organisation du travail imposée, a fortiori dans ces cas, ne fonctionnerait pas.

JB : L’enjeu, c’est de comprendre comment on peut avoir une démarche systématique à la fois sur la performance et sur la santé. Chaque fois que l’on améliore la performance, on doit aussi pouvoir mesurer un effet positif sur les conditions de travail. C’est une démarche intelligente. C’est aussi l’idée qu’on peut améliorer les conditions de travail sans détériorer la performance, et inversement, dans une vision "gagnant-gagnant". Cette opération va nous permettre d’avoir un bon retour d’expérience, de mieux comprendre, mais aussi de mélanger les cultures. Nous travaillons sur les recettes, le « comment faire » pour mixer ces deux objectifs.

Communiquerez-vous les résultats au grand public ?

HCB : J’espère que nous pourrons rendre les résultats publics dans une publication régionale, voire nationale. Ce type d’actions constitue une avancée sur la thématique de l’évaluation des conditions de travail. La démarche est innovante parce que l’association performance –ergonomie est innovante, parce que la recherche d’évaluation des conditions de travail est innovante. Bien sûr, il ne sera pas possible de tirer des conclusions statistiques à partir de résultats obtenus sur huit entreprises, mais nous pourrons observer des tendances qu’il sera intéressant de partager.

JB : Notre volonté est de communiquer sur des bonnes méthodes, des bonnes pratiques vers l’ensemble des entreprises. Ce mariage avant-gardiste fait partie des facteurs de compétitivité : si on peut rationnaliser l’organisation tout en optimisant les conditions de travail, c’est parfait ! C’est un champ nouveau d’intervention pour nous, pôle économique.

 

Propos recueillis par Valérie Ravinet

 

DIAPASON : repères

L'action collective DIAPASON vise à aider les acteurs de l'entreprise à trouver des manières innovantes d'organiser la production et le travail des salariés qui permettent non seulement à l'entreprise d'améliorer la performance, la réactivité, la productivité, la qualité de la production mais aussi d'améliorer les conditions de travail et la prévention de la santé des salariés.

Le Midact s'est entouré de professionnels et experts du domaine de la performance et du domaine de la santé pour croiser les regards et trouver ces solutions innovantes. Plus précisément, le Midact a confié à des binômes de consultants (un expert en performance industrielle et un expert en ergonomie) et à des binômes de référents internes aux entreprises (un référent santé et un référent performance par entreprise) la conduite de chantiers d'amélioration de la performance de la production et des conditions de travail des salariés au sein des entreprises.

C'est en observant ces consultants et ces référents internes (apprendre à) travailler ensemble et articuler leurs analyses et leurs actions dans la mise en œuvre d'un chantier commun d'amélioration dans l'entreprise que le Midact cherche, avec les consultants et le soutien de professionnels, experts et chercheurs réunis au sein d'une instance nommée "comité consultatif d'experts", à identifier et à caractériser quelles peuvent être les modalités de réalisation d'améliorations conjointes sur les conditions de travail des salariés et la performance de l'entreprise.

La qualité du copilotage Midact - Chambre de Commerce et d’Industrie Midi-Pyrénées et l'engagement des financeurs sont des atouts pour favoriser des coopérations, fructueuses en enseignements, entre professionnels de champs d'expertises si différents.

L'opération DIAPASON est labellisée « 2014-Année de l’innovation » par le Comité Stratégique « IE - Innovation » de CCI France.

Logo label « 2014-Année de l’innovation » par le Comité Stratégique « IE - Innovation » de CCI France.

 

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