Plan de prévention des risques : une opportunité pour faire de la pédagogie

Publié le 01/10/2013

Pour une entreprise, se mettre en règle par rapport à de nouvelles dispositions légales par simple contrainte, cela ne permet pas aux différents acteurs internes de développer à cette occasion une réelle culture de la négociation, de la co-construction et de la prise en main d’un destin commun. Surtout quand il est question de problématiques sociales comme la pénibilité, le maintien dans l’emploi de personnes handicapées ou de seniors, les risques professionnels et le nécessaire plan de prévention auquel elles commandent. C’est pourquoi, dans tout projet d’élaboration d’un plan de cette nature, il est recommandé de partir de situations concrètes qui posent problème pour non seulement enrichir un diagnostic partagé mais également profiter de ce moment particulier pour faire œuvre de pédagogie.

Informations sur le cas

Grandes Entreprises (500 et +)
Services marchands

Présentation

L’entreprise commercialise des produits pour la construction de bâtiments (aciers, menuiserie, plâtrerie…) et les installations (électriques, plomberie, sanitaire…).
Créée il y a environ 120 ans, elle emploie 700 salariés répartis dans près de 40 magasins regroupés en 6 «régions». Le siège est situé à Castres dans le Tarn et les 6 régions réparties sur 10 départements dont 2 en Languedoc-Roussillon. Elles ont des tailles différentes: deux ont 160 salariés, une 100, les 3 autres entre 50 et 60.
Si le CCE est bien global, il n'existe cependant de CHSCT que par région. La direction et la gestion sont assurées par la famille du fondateur. Chaque région est gérée de façon relativement autonome par un directeur. Les pratiques en matière de stratégies commerciales, management, gestion des ressources humaines sont ainsi très différentes d'une région à l'autre.

Demande de l'entreprise

La demande a été initiée par le CHSCT de l’une des régions les plus importantes. En effet, à la suite de situations sources de conflits dans la réalisation de leur travail respectif et face à la clientèle, un climat de tension est perceptible entre certaines fonctions dans l'entreprise. En quelque sorte, l'arbre qui cache la forêt… Pour donner suite à la demande du CHSCT, le directeur général a proposé de mettre en place une démarche permettant d’identifier les situations à risques, avec des indicateurs pertinents pour mettre en place un plan d'actions. Il a sollicité l’expertise de l’Aract pour se faire accompagner dans ce projet.

Démarche

Les caractéristiques de l’entreprise (la taille, la répartition des magasins en différentes régions, leur degré d’autonomie, l’étendue de l’implantation géographique) a conduit l'Aract à proposer une démarche en deux temps: expérimentation dans une région pilote puis transfert auprès des autres régions.

Pour préparer l’ensemble des régions, deux réunions ont été organisées pour le comité de direction qui réunit tous les directeurs de région et le directeur général. La première a permis de recueillir leur point de vue sur ce risque et l’intérêt ou non de le traiter, la deuxième était consacrée à un temps de formation sur les définitions et modèles d’analyse. L’objectif était de partager des références communes et de d'exposer les principes d’intervention (approche collective, analyse de situations de travail, participation des salariés et de leurs représentants). La région pilote a été choisie sur la base de la volonté du directeur de s’engager dans cette démarche. L’intérêt aussi est que c’est celle dont le CHSCT avait initié la demande. Il s’agit de celle de taille intermédiaire.

La démarche sur la région pilote est la suivante :

  • Constitution d’un comité de pilotage: le CHSCT avec l’assistante administrative de la région pour les comptes-rendus, la direction de l’entreprise et le Midact.
  • Apport de connaissances sur les risques psychosociaux.
  • Définition des axes de travail par le comité de pilotage.

Deux axes ont été identifiés :

  • Mise en place d’un dispositif d’analyse et d’évaluation des RPS.
  • Analyse de «situations-problème» et transfert de la méthode.

Mise en place d’un dispositif d’analyse et d’évaluation des RPS

La liste des indicateurs et catégories d’indicateurs de l’Anact a été proposée au comité de pilotage. Chaque indicateur a été discuté pour en évaluer la pertinence et les modalités de traitement. Le document de recueil des résultats a été finalisé par la DRH et diffusé au comité de pilotage.

Ces indicateurs doivent être testés, et une présentation des résultats est prévue pour le prochain CHSCT.

Deux situations ont été identifiées par le comité de pilotage comme nécessitant une analyse spécifique.

  • L’opérateur en charge de l’organisation des livraisons doit répartir les commandes dans 14 camions présentant quasiment tous des caractéristiques différentes (volume, longueur et poids transportable notamment). Il reçoit les commandes jusqu’à 12h pour organiser les chargements dans l'après-midi. Un client important envoie régulièrement sa commande après les délais, obligeant par ce fait à une réaffectation des chargements parfois très complexe.
  • Un conflit avec un client entre la personne en charge de la gestion des crédits et le chef des ventes.

Ce conflit est en fait la face visible d’une situation tendue entre la personne en charge de la gestion des crédits et les équipes de commerciaux. Les deux fonctions peuvent être antagonistes : en effet, la gestion des crédits oblige à un suivi précis, non négociable et contrôlé par des société d’assurance crédits, des capacité financières des clients ; la relation commerciale est construite sur une dimension plus relationnelle, de négociation, de règles différentes en fonction des clients.

La situation économique de l’entreprise et de ces clients a peu à peu transformé le poids accordé à ces deux fonctions; si la dimension commerciale reste déterminante, la vigilance sur les capacités financières des clients devient de plus en plus présente.

 

Bilan

Le dispositif d’analyse d’une situation-problème a permis à ces deux catégories d’acteurs de partager les contraintes, les règles et les pratiques spécifiques à chaque métier. Des réorganisations étaient déjà en cours, d’autres ont été proposées : des rencontres formelles et régulières pour maintenir un bon niveau de compréhension des fonctionnements de chacun, un partage des informations détenues sur les clients pour anticiper les situations difficiles.

Le travail autour des indicateurs, qualitatifs, quantitatifs, et de leur complémentarité a rendu nécessaire d’une part, d'en poursuivre l'analyse et surtout, d’autre part, de les mettre en débat au sein du CHSCT.

L’apport concret et opérationnel de l’analyse de situations-problème a permis de sortir d’une approche individuelle des RPS et a donné une méthode pour continuer à traiter les inévitables tensions entre la fonction commerciale et la fonction de gestion financière.